Il y a bien entendu mille manières de faire des histoires du cinéma.
Récemment, on a pu apprécier deux façons. La première, ferroviaire, est celle de Martin Scorsese (1) qui voyage en quatrième vitesse à travers le cinéma américain sans trop se soucier si on a envie ou non de monter dans son train d'enfer et surtout de faire étape avec lui dans toutes ses stations. L'autre façon est la façon Godard (2). Nettement plus artiste, et partant excitante, nettement plus professorale aussi, avec tout ce que cela comporte pour celui qui se met à son école d'ennui, d'intimidation, d'envie d'aller rêvasser ailleurs. Ce qui tendrait à prouver qu'entre le voyage et le séminaire, ni l'une ni l'autre manière de faire des histoires ne conviennent tout à fait. Tout est question de distance. En précisant qu'on ne plante pas son stylo comme on plante sa caméra, Christian Delage, qui n'est pas cinéaste, a trouvé la bonne distance. Ce qui a priori paraissait ardu puisqu'il a décidé de s'approcher d'un des monuments les plus monumentaux de l'histoire du cinéma, qui plus est en titrant son entreprise à la manière d'un pléonasme: Chaplin, la grande histoire. Autrement dit: comment faire entrer un géant dans un livre? Or, cette expérience de physique somme toute plaisante lui a été paradoxalement simplifiée par le caractère monumental de Chaplin. Ni visite guidée ni somme exhaustive, son Chaplin fait l'effet du Château de Kafka. De loin, disons dans la vitrine, on dirait un gros machin de plus comme