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Critique

Spécial Beaux Livres. L'éternel présent.Deux monographies de Masaccio et de De Chirico. Mises en perspective. Franco et Stefano Borsi, Masaccio, Traduit de l'italien par Odile Ménégaux, Isabel Violante et Michel Luxembourg, Hazan, 312 pp., 204 ill., 690 F. Paolo Baldacci Giorgio De Chirico,1888-1919. La métaphysique, Traduit de l'italien par Susan Wise. Flammarion, 444 pp., 595 F.

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publié le 10 décembre 1998 à 19h12

«Nous n'aimons pas cette peinture pauvre», déclara le grand

historien de l'art Roberto Longhi devant la nouveauté des oeuvres de Giorgio De Chirico. Cet aveuglement contribua sans doute à faire avorter la carrière italienne que De Chirico avait pourtant si minutieusement préparée. Falsifiant sa propre biographie, niant surtout le rôle déterminant que son frère, l'écrivain Alberto Savinio, a joué dans la naissance de l'art métaphysique à Milan en 1909, prétendant inscrire sa propre biographie dans une double appartenance florentine ­ celle de sa naissance biologique et celle de la naissance de sa peinture métaphysique ­ De Chirico devra sa première reconnaissance à des critiques français. Apollinaire, qui lui promet un grand avenir, mais aussi des critiques réactionnaires séduits en 1914 par la fidélité apparente de ces peintures à l'idéal classique. Cependant, dès 1911 De Chirico a choisi sa voie: la musique l'a tenté en premier, mais seule la peinture peut offrir un équivalent métaphorique de ce qui est «métaphysique», et l'un de ses tout premiers tableaux, l'Enigme de l'heure (1911), contient une bonne part des ingrédients de l'art à venir: figure humaine isolée, ombres étirées, architecture immense qu'ordonne une géométrie de sensations. Mais qu'est-ce qui est «métaphysique»? «C'est l'absence de logique, le fondement "mythique du monde, où chaque mot et chaque forme sont un signe mystérieux doté de mille âmes et de mille visages.» La lecture de Schopenhauer et de Nietzsch