Menu
Libération
Critique

Joyeux Noël ?

Article réservé aux abonnés
Le «Dictionnaire historique de la langue française» dirigé par Alain Rey paraît en édition souple. On s'y promène comme dans un bois, on s'y perd, on s'y retrouve, et entre deux mots on a choisi le moindre: Noël.
publié le 24 décembre 1998 à 17h27

Les dictionnaires sont des aires de braconnage, où, comme dit

l'autre, on peut courir deux lèvres à la fois et en embrasser plus encore, labyrinthes buissonniers, frondaisons scintillantes, désordres ordonnés, mots brandis comme autant de muletas qui vous mènent par le bout du nez. Le Dictionnaire historique de la langue française, qui paraît en édition bon marché (il n'existe pas en français de mot pour dire «bon marché»), offre au flâneur un champ de déambulation inespéré, une planète à la fois nouvelle et familière, sans guide ni balise, ouverte et offerte par ses 50 000 entrées. Entrées libres. Voyons cela, dites un mot, bon, deux si vous voulez. Pour voir.

Joyeux Noël, dites-vous, bon, va pour joyeux Noël, puisque les Noël sont joyeux, comme les veuves, comme les drilles, joyeux. Joyeux, pas joviaux, Noël est chrétien, jovial est païen, il est à Jupiter ce que saturnien est à Saturne, saturnien le débauché et jovial le gai luron, de ce Jupiter dont on fit la semaine des quatre jeudis, le jour de Jupiter. Mais, nous dit le DHLF, si jovial dans les premiers textes «a le sens d'influencé par Jupiter», son évolution moderne de «porté naturellement à la bonne humeur» a pu être «favorisé par la proximité formelle de "joie, joyeux». Parce que les mots comme des voisins aimables s'invitent et partagent même s'ils ne sont pas de la famille. Joyeux Noël, donc, pas «joyaux», qui vient de «jeu», donna Sollers (né Joyaux), et désigne étymologiquement une chose qui amuse. La forme anc