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Libération

Qian Zhongshu, fin de chapitre.

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L'éminent écrivain et critique chinois est mort à 88 ans.
publié le 29 décembre 1998 à 17h47

Qian Zhongshu, qui était considéré comme le plus éminent lettré chinois, est mort à Pékin le 19 décembre, à 88 ans. En France, on a pu avoir un triple aperçu de la personnalité particulièrement séduisante de cet écrivain et critique à l'érudition colossale, qui n'aura cessé de circuler entre la tradition classique de son pays et la production occidentale jusque dans ses aspects d'avant-garde. Il était «le père de l'école chinoise de littérature comparée», selon Nicolas Chapuis, qui a présenté et traduit Cinq essais de poétique (éditions Christian Bourgois, 1987). Hypocrite mélancolie. Un des textes de ce recueil s'appelle le Poète et ses griefs. Qian Zhongshu constate: «Nietzsche a associé le caquètement d'une poule qui pond au chant du poète, en les qualifiant tous deux d'accouchement en douleur. Cette métaphore banale mais imagée s'accorde tout à fait avec une thèse courante de la tradition littéraire chinoise: la souffrance est plus à même d'induire la création poétique que le plaisir; un bon poème est avant tout l'expression ou l'épanchement de la tristesse, du tourment ou de la frustration.» Il entre pas mal d'hypocrisie dans la mélancolie du poète universellement affichée. Et Qian Zhongshu de citer, en écho à quelques vers de la poésie Song cette réflexion de Henri Heine: «Personne ne croit aux flammes de l'amour / Puisqu'elles n'existent que pour la poésie.» Mais pour quelles raisons psychologiques et sociales valorise-t-on la tragédie et la peine au détriment de la c