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Libération
Critique

Celan neuf

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Première édition en poche du poète juif d'expression allemande Paul Celan, écrivain de l'après-Auschwitz.
publié le 7 janvier 1999 à 23h27

On pourrait dire qu'on aime Celan parce que sa lecture donne envie de fêter l'an nouveau en se balançant du haut du pont Mirabeau où coulent nos amers, comme Celan le fit lui-même un jour d'avril 1970, à l'âge de 50 ans. Sa femme croyait que c'était encore une de ses fugues, elle n'avait qu'à moitié tort, c'était une «Todesfuge», aurait dit le poète, on retrouva son corps flottant dans la Seine à 10 km de Paris, «proche comme tout le perdu». Faute d'en éclairer le sens, contentons-nous donc de citer in extenso un de ses poèmes, qui mêlent un goût de cendres aux éclats de langue, c'est dans le recueil la Rose de personne (1963): «Ce n'est plus/cette/lourdeur enfoncée/avec toi parfois dans/l'heure. C'est une lourdeur/autre.// C'est le poids qui retient le vide/qui avec/toi s'en irait./Ça n'a, comme toi, pas de nom. Peut-être/êtes-vous la même chose. Un jour peut-être/toi aussi, tu m'appelleras/ainsi.» Pour le reste, suivons le conseil que Celan donnait à Israel Chalfen, son futur biographe (2): «Continuez de lire. Il suffit de lire et de relire, et le sens apparaîtra de lui-même.»

Paul Celan, donc, poète français (naturalisé en 1955), mais d'expression allemande, était né en Bukovine, une région annexée à la Roumanie. Brillant élève, doué pour les langues et la poésie, il fit une première année de médecine à Tours, avant que la guerre ne le coince en 1939 dans sa ville natale. Le pays est déchiré entre les Soviétiques et l'alliance fasciste germano-roumaine. Les parents de Cela