On considérera avec circonspection ce volume, qui accroche en
couverture les noms de ses dix-sept auteurs comme autant de boules colorées au sapin de Noël et s'estampille aux sigles de Solidarité enfants sida, Robert Laffont et France Inter. Histoires d'enfance, c'est écrit dessus, est un objet humanitaire, petit Sidathon éditorial qui marie, sous les auspices de la Nativité et de la social correctness, la cause désespérante des petits malades et la retape d'écrivains soucieux d'afficher leurs sentiments très sincèrement gnangnanteux, en faisant tout à la fois dans ce livre une bonne action et, de ce livre, une abomination. Eussent-elles, les bonnes âmes, discrètement signé un chèque à l'ordre de l'association destinataire, que la cause de Sol en si ne s'en porterait pas plus mal, et la littérature, puisque c'est en son nom que cela se fait, infiniment mieux.
Car c'est pitié de voir, en quatrième de couverture, à quelle fourberie sentimentale, confinant à l'escroquerie à peine intellectuelle (1), nos gentils apôtres ont prêté des plumes trempées dans une encre trop sirupeuse pour être littéraire: «Pour vous, lecteurs de tous âges, ils évoquent les vertus héroïques de l'enfance: courage, révolte, émerveillement, ténacité, insolence, et (") la force de ne jamais s'avouer vaincu.» Une si admirable candeur établit assez qu'on n'est plus là dans l'ordre du réel, mais dans celui de la confiserie; à peine dans la compassion, et plus sûrement avec évidemment les meilleures intention