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Libération
Critique

Je serai bref. Parution de ce que l'Autrichien Heimito von Doderer, mort en 1966, appelait sa «prose naine». Heimito von Doderer Histoires brèves et ultra-brèves Traduit de l'allemand (Autriche) et présenté par Raymond Voyat. Périple (diffusion: Buchladen, 3, rue Burcq, 75018 Paris; tél.: 01.42.55.42.13), 208 pp., 120 F.

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publié le 7 janvier 1999 à 23h27

«Laissez le temps là où il est, n'y touchez pas. Quoi qu'on fasse,

il coule, clapote, ruisselle le long de la pensée et entraîne au loin les contours estompés d'une forme, d'une couleur ou d'un objet remontant à la surface: le ceinturon jaune et raide qui sanglait un uniforme vert tout neuf" La tunique d'écolier dont les manches découvraient des mains aux ongles rongés, toutes tachées d'avoir rempli d'encre les projectiles en pâte à modeler, pour une farce manigancée sous le banc"» Heimito von Doderer a 24 ans, en 1920, quand il commence ainsi Retrouvailles d'une jeunesse qui trouvera un écho dès le début de son grand roman les Démons (Gallimard, l'Etrangère) paru en 1956: «Oui, effectivement, il n'y aurait qu'à tirer le fil à n'importe quel endroit du tissu de la vie et on le verrait courir à travers le tout: comme des nuages, le passé s'avance, dirait-on, à gauche et à droite du front, et la dent aiguë et douce du souvenir s'enfonce au creux de l'estomac.»

Mais la nostalgie n'est pas le propre de Doderer, mort respecté en 1966 après avoir eu une conduite douteuse dans les années 30 (son divorce d'avec sa femme juive ayant renforcé son antiféminisme et son antisémitisme). Rivages a déjà traduit plusieurs romans de lui (dont Un meurtre que tout le monde commet), et les textes courts publiés dans ce volume confortent son image d'imaginatif rigoureux. Il a étudié le mécanisme des locomotives pour qu'un chauffeur de taxi sauve mieux un train emballé dans Léon Pujot, il sait comme