Menu
Libération
Critique

Actes d'amour.

Article réservé aux abonnés
Eprise d'une comédienne qu'elle rencontra à Moscou en 1918, Marina Tsvetaïeva composa six pièces en vers d'amour et de haine. Traduction du recueil «Romantika».
publié le 14 janvier 1999 à 23h10

Souvent Marina Tsvetaïeva fut sujette à des engouements sans mesure. En 1918, elle fréquente les gens de théâtre à Moscou, rencontre Sophie Evguénievna Holliday, dite Sonia par ses amis et Sonetchka par Marina qui l'aime et la veut tout à elle. Pour elle, et pour survivre aussi dans ces temps difficiles, Tsvetaïeva écrit plusieurs pièces avec toujours un rôle de petite fille puisque Sonia Holliday était «plus que petite,/ Toute la longueur disponible/ Dans les tresses ­ jusqu'aux pieds» (1). Plus tard, quand Sonetchka sera sortie de sa vie, Tsvetaïeva écrira pis que pendre du théâtre ­ «Je ne respecte pas le théâtre, il ne m'attire pas et je ne le prends pas en compte. Le théâtre (voir avec les yeux) m'a toujours paru un soutien pour les pauvres en esprit», mais elle prendra quand même soin de réunir ses six pièces sous un titre unique, Romantika, qu'Hélène Henry vient de traduire excellemment. Romantika pourquoi? Parce que toutes ces pièces sont des histoires d'amour mêlé de mort, d'impossible et de ruine. La petite Aurore, pour échapper à la sorcière Vénus et à son méchant fils Amour, préfère mourir. Le beau quoique déjà vieux Lauzun aurait pu aimer la jeune Rosanette, mais le 1er janvier 1794, la Révolution lui tranche le cou. Franziska la fraîche s'offre à Casanova le vieillard, mais c'est le 1er janvier 1800, il n'est plus l'heure de batifoler. Il faudrait se bander les yeux pour ne pas voir que ces courtes pièces sont d'une ironie acerbe sur les temps nouveaux promis p