Trois longues nouvelles composent Platte River, toutes trois situées
dans les grands espaces du nord des Etats-Unis, à l'est comme à l'ouest. Rick Bass, ex-géologue installé dans le Montana (cf. Libération du 24/10/96), y met en scène des personnages qui semblent avoir fui quelque chose (la ville, une blessure ancienne, un vide intérieur) et à qui la vie au grand air semble dans un premier temps avoir profité. Et pourtant quelque chose ne tourne pas rond: Mahatma Joe, le prêcheur à moitié esquimau qui a fui l'Alaska pour une petite vallée verdoyante du Montana, est tenaillé par un fort sentiment d'inutilité. «Il faut que j'accomplisse quelque chose», ne cesse-t-il de répéter à sa compagne, alors même que des milliers de sermons s'accumulent sur sa table et qu'il multiplie sans fin ses dons à des oeuvres caritatives. Pourtant tout cela ne lui apporte aucune reconnaissance mais une insatisfaction angoissante, celle de ne rien maîtriser, à l'image de ce vent chaud, le chinook, qui, à la fin de l'hiver, fait perdre la tête de joie aux habitants de la vallée au point de les faire aller complètement nus. De même, Harley, l'ex-star de football américain, désormais retiré dans les bois du Montana avec Shaw, la femme de sa vie, sait que son bonheur ne va pas durer: un jour, Shaw, qui déjà s'enfuit souvent pour de longues courses solitaires, partira, pour ne plus revenir. Comment habiter le monde? «L'homme ne doit pas boire l'eau vive des torrents bondissants», écrivait Thoreau cité