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Libération
Critique

La banquise de l’angoisse

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Deux effroyables odyssées des glaces au début du siècle: une réédition de l’âpre récit du Russe Albanov qui perdit son équipage dans l’Arctique et une reconstitution, à partir de journaux de bord, de l’expédition dans l’Antarctique du Britannique Shackleton qui sauva tous ses hommes.
publié le 14 janvier 1999 à 23h32

Le 10 août 1914, Valerian Albanov et Alexandre Konrad, partis de Saint-Pétersbourg le 28 juillet 1912, retrouvent la civilisation près d’Arkhangelsk, au nord de la Sibérie. Ils sont les deux seuls survivants des vingt-quatre hommes d’équipage du Santa Anna, pris par les glaces deux ans auparavant en tentant de relier Vladivostok par le passage du nord-est. Albanov croise une barque de pêcheurs. «Ils furent les messagers du destin et nous reçurent près de la patrie avec de bien tristes nouvelles. Comme pressentant quel malheur, nous leur demandons: dites-nous ce qui se passe dans le monde! Une guerre aurait-elle éclaté en notre absence? Ils nous regardèrent consternés puis s’écrièrent d’une voix: comment? Vous ne savez pas qu’une guerre furieuse s’est déchaînée, partant de Serbie?»

Le 8 août 1914, l'Endurance quitte Plymouth. Quatre jours auparavant, lorsque est tombé l'ordre de mobilisation générale, sir Ernest Shackleton, qui conduit l'«Imperial Trans-Antarctic Expedition», a mis son navire à disposition du gouvernement britannique. Mais la réponse de Winston Churchill, ministre de la Marine, est tombée sans attendre: «Proceed.» En 1912, la Norvège a infligé à l'Angleterre une défaite humiliante au pôle Sud (1), et cette revanche vaut bien une guerre. Quelques mois plus tard, l'Endurance va se laisser à son tour piéger par la glace. Comme le Santa Anna, le navire subira pendant un an et demi une lente dérive. Comme les Russes dans l'Arctique, les Britanniques tenteront tout