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Libération

Razzia sur le Schtroumpf

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Voyage à Marcinelle, pays de Dutroux et des petits hommes bleus à blancs bonnets. Créés par Peyo, ils firent le tour du monde, et de leur auteur, mort en 1992, un des hommes les plus riches de Belgique
publié le 28 janvier 1999 à 23h20

Bruxelles, envoyée spéciale.

Dans un carillon de voyelles, le nom chantonne déjà comme un titre de BD. L'«école de Marcinelle», c'est comme ça que les exégètes avaient baptisé l'écurie des éditeurs Dupuis, du nom d'un bourg alors cossu et industrieux adossé à Charleroi, en Belgique. Là, il y avait un château, enfin, une maison de maître, marronniers, perron, volées d'escaliers, assez de fenêtres pour qu'on renonce à les compter, et, à l'intérieur, les Dupuis père, fils et beau-fils, bien décidés à étriller les éditions Casterman. A peine trente kilomètres plus au nord, celles-ci dirigent à Bruxelles le journal de Tintin. Les Dupuis, eux, c'était Spirou. Marcinelle contre Moulinsart, la fantaisie contre le réalisme, une volière d'animaux farfelus contre la ligne claire. Spirou est lu par le fils du contremaître, Tintin par celui du médecin. La guerre des bulles dura deux décennies, l'âge d'or de la BD belge. En 1985, sept ans avant sa mort, Pierre Culliford, dit Peyo, arrivait en troisième position dans la liste des hommes les plus riches de Belgique. Un succès populaire, monstrueux, mais, à l'inverse de celui d'Hergé, un succès sans commentaire. «Nous allons dans les Salons comme Angoulême presque par conscience professionnelle», explique un des responsables de la série au Lombard, aujourd'hui éditeur des studios Peyo. «Mais nous n'en attendons rien. Les Schtroumpfs marchent tout seuls, autour de 200 000 par album, sans la critique ni l'intelligentsia.» Seul Bruno Lecigne,