En ce temps-là, Georges Pichard était déjà un vieux monsieur, et
déjà Georges Wolinski, communiste émérite, tirait des bords post-soixante-huitards vers de plus libertaires horizons. Le premier avait de longtemps abandonné son poste de professeur à l'Ecole des arts appliqués de Paris pour illustrer ici et là les classiques de la littérature érotique; au sein de l'antique parti stalinien français, le second incarnait la BD comme Picasso la peinture à l'huile. En 1970 et dans Charlie mensuel, de la collaboration des deux Georges naquit Paulette, créature éminemment gironde et qui allait, au rythme d'une Religieuse revisitée par encore un autre Georges (Brassens), faire se masturber en choeur les jeunes gens d'à peu près toute une génération.
Trente ans après, en retrouvant Paulette dans le fort volume de ses aventures inégales mais intégrales, on relativisera forcément la charge bandative de la blonde héroïne. En revanche, on appréciera comme la bande dessinée vécut avec elle une sorte d'âge d'or, en tant qu'outil privilégié et, via magazines et fanzines, quasi institutionnel de protestation" Paulette fut ce manuel d'agitation des années soixante-dix, sans à peine d'autre scénario (1) que l'actualité politique qui les traverse. Les riches y sont vieux, laids et cons (par ordre d'entrée en scène: partouzeurs blasés, exploiteurs et négriers, marchands de canons et marchands de sommeil, affairistes immobiliers des années Pompidou, nostalgiques nazis, faiseurs de guerres impérialist