Vers le terme de ce premier tome, particulièrement dense, du
roman-fleuve historique sur l'Etat mandchou qu'a écrit Asada, auteur de best-sellers japonais né en 1951, se profile le débat de la modernité. L'exemple probant de la Restauration nippone, la soif de changement, le tourment des mandarins qui savent que «réformer ce pays équivalait à se renier soi-même», tant ils sont la clef de voûte du système qu'ils critiquent: la Chine se prépare à la fin d'un monde. Mais c'est en suivant deux héros cinq années durant, à partir de 1886, c'est en s'attachant à leur sort dans ce qu'il a de plus concret qu'on aborde le casse-tête politique.
Tchouen-yun est un pauvre gosse de 10 ans, ramasseur de crottin. Il fréquente Wen-sieou, un fils de riches que sa famille a longtemps tenu pour quantité négligeable. Wen-sieou, qui était l'ami du frère aîné de Tchouen-yun (ceci explique cela), obtient brillamment ses diplômes, sans que ça lui gâte le caractère: «Revêtu de la robe indigo des licenciés, il continua à fréquenter les bouges et à faire frémir les maquignons.» A l'enfant comme au jeune homme, une chamane a prédit monts et merveilles. Il leur faut pour cela entrer dans la Cité interdite où sévit l'impératrice Ts'eu-hi (Cixi), alias le Vieux Bouddha.
Pour le jeune licencié, la voix est tracée. Il se retrouve à Pékin en compagnie de vingt mille autres candidats afin de se soumettre aux examens qui feront de lui un fonctionnaire du palais. «Réussir un doctorat était une épreuve si héroïque