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Libération
Critique

Pour qui sonne le sarde. Vingt ans après, le retour au village des morts de la Seconde Guerre mondiale. Par Francesco Masala.» Francesco masala, Ceux d'Arasolé, Traduit de l'italien par Claude Schmitt. Zulma, 94 pp., 89 F.

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publié le 4 février 1999 à 23h36

Aristote, qui était très curieux et qui adorait que l'on sache ce

qu'il savait, raconte à propos des Sardes et de leur rire sardonique une drôle d'histoire. Les habitants de la grande île de la Méditerranée occidentale, dit-il, ont une étonnante coutume: les pères devenus vieux et ne pouvant plus subvenir à leurs besoins, les fils les prennent, les amènent au bord d'une falaise et les jettent dans le vide. Ceux qui restent en haut ­ conscients probablement que la prochaine fois ce sera leur tour ­ accompagnent les hurlements de ceux qui sont en train de tomber par une sorte de râle mi-humain, mi-animal, le rire sardonique, justement. Le prestige du philosophe grec est grand, mais certains commentateurs n'ont pas cru que les Sardes aient pu résoudre leur complexe d'oedipe de manière si primaire et ont mis leur rire caractéristique plutôt sur le compte d'une démence, induite par l'absorption de quelques drogues qui, paraît-il, ne manquent pas en ces lointaines et infortunées contrées, aidant les malheureux îliens à supporter l'existence. Sarde, né en 1916, ayant enseigné la littérature à l'université de Cagliari, Francesco Masala ne doit pas ignorer cette histoire qui semble même tenir lieu d'implicite foyer de son oeuvre, métaphore d'une condition humaine qui essaie de jongler avec la misère sans vraiment parvenir à mater l'autorité. Venant après le Curé de Sarrok (Actes Sud, 1989), Ceux d'Arasolé est un court roman qui illustre à la perfection cette poétique désespérée et ric