Trois nouvelles composent Des inconnues, et pour la première fois chez Patrick Modiano, les narratrices sont des femmes. Des inconnues, précisément. On ignore leur nom, et même leur prénom, elles n'ont en commun que d'avoir entre seize et vingt ans et d'avoir connu la fugue, le déracinement, la solitude, des histoires difficiles. La première vient de Lyon, elle a voulu être mannequin, sans succès, elle est montée à Paris rejoindre un couple qu'elle a connu à Torremolinos, en Espagne: de fête en fête, sa jeunesse passe et sa vie semble «une fuite sans fin». La deuxième, orpheline de père, abandonnée par sa mère, a passé sa jeunesse dans des pensionnats du côté d'Annecy; un soir, elle décide de s'échapper et devient l'employée de gens riches et oisifs, entre Genève et Lausanne. La dernière a quitté Paris pour Londres avant de revenir dans sa ville natale garder l'atelier d'un peintre autrichien absent, dans le XVe arrondissement, marqué par le bruit obsédant des sabots de chevaux qu'on mène aux abattoirs: elle y rencontre un professeur de philosophie adepte d'une secte douce et se fait enrôler. Rien de bien extravagant dans ces destins, si ce n'est que ces trois jeunes filles vivent ces expériences à la fois pleinement et par hasard. Elles sont libres et en même temps vulnérables, proies faciles de séducteurs, elles qui cherchent le grand amour: à vies minuscules, déchirures majuscules. Pour la deuxième, qui transporte dans sa valise le revolver de son père mort, la désillusi
Critique
Trois passantes
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publié le 4 février 1999 à 23h36
(mis à jour le 4 février 1999 à 23h36)
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