On est sous le tropique du blues, entre Bâton Rouge et La
Nouvelle-Orléans. Comme les blue notes disent cette musique, la rendent immédiatement reconnaissable, les paysages des bayous sous la lumière humide, les bancs de brouillard qui roulent des marais, les flaques de feu rose dans les nuages maillent le récit d'une façon lancinante, presque hypnotique. Ici, comme chante, sa douze cordes posée sur ses cuisses, Hogman Patin, ancien taulard devenu prêcheur et qui craint pourtant peu de choses en ce bas monde, «le blues des lundis de cafard va me tuer aussi sûr que t'es bien vivant». Et de toutes les aventures de Dave Robicheaux, inspecteur au service du shérif dans la bourgade de New Iberia, celle-ci est la plus engluée dans le Sud profond, la plus fantasmagorique aussi. Car les marécages aux remugles doucereux ne sont jamais assez profonds pour que les fantômes ne finissent pas un jour par resurgir. Ceux d'un passé lointain, qui reviennent de la guerre de Sécession à la faveur d'un film historique que l'on tourne dans les bayous où s'est déroulée une fameuse bataille. Ceux d'un passé proche, marqué par la ségrégation raciale, avec, cette fois, la découverte du cadavre momifié d'un Noir enchaîné. Tout finit par remonter à la surface dans la nuit électrique où l'air est tellement épais et lourd, tellement chargé d'ozone qu'on en sent presque le goût sur la langue: «(") pas de nuages de pluie à l'horizon, pas le moindre signe annonciateur d'un soulagement attendu qui aurait pe