Une «gaieté douloureuse» (ce sont ses propres mots), une exaltation modeste, une naïveté ironique sont trois paradoxes caractérisant la singularité du ton de Robert Walser, Suisse allemand né dans le canton de Berne en 1878 et mort à l’asile à soixante-dix-huit ans après avoir passé vingt-sept années interné. Il a publié trois romans de son vivant, mais les textes réunis dans les divers volumes qui paraissent ces jours-ci sont tous brefs.
Les Rédactions de Fritz Kocher consistent en petits textes sur des sujets scolaires dont un adolescent aisé est censé être l'auteur. Robert Walser joue de ce glissement de narrateur, faisant écrire à son écolier sur le thème de la «pauvreté»: «Je ne voudrais pas être pauvre, j'en mourrais de honte. (") Je n'aime pas les garçons pauvres de notre classe parce que je sens qu'ils regardent mes beaux vêtements avec envie et qu'ils se réjouissent quand je ne réussis pas en classe. Ils ne pourront jamais devenir mes amis.» Plus loin dans le volume, dans un «petit essai» intitulé «l'Ecrivain», il dresse un portrait de l'auteur dans lequel on l'imagine: «Il peut faire, quand il s'y met, qu'un cercle de, disons vingt personnes, soit presque mort de rire à l'écouter, ou il peut provoquer l'étonnement, d'un seul coup, ou il peut tirer des larmes simplement en lisant un poème qu'il a écrit.» Walser fut aussi poète.
Retour dans la neige est le premier tome des Proses brèves dont les éditions Zoé entreprennent l'édition, Walser ayant beaucoup écrit dans de