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Libération
Critique

Eloge du ratage. De boulettes en bavures, le héros d'Alain Sevestre, fonceur hésitant, cultive brillamment sa déroute. Alain Sevestre, Entrées en matière, Gallimard, 160 pp., 95 F.

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publié le 11 février 1999 à 23h42

Alain Sevestre ne se souvient pas exactement quand il a commencé

d'écrire Entrées en matière, son quatrième livre publié, mais il sait qu'il en a interrompu d'autres pour s'y mettre, s'y remettre, biffer, transformer, ajouter, rêver, détruire, et qu'avant même son aboutissement le texte était virtuellement refusé depuis des décennies. En 1986, sans croire à sa chance, Alain Sevestre a fait paraître un premier polar ludique, Double Suicide villa Godin, aux éditions de Minuit. Puis, pendant dix ans, rien. Il rencontre alors l'écrivain et éditeur Jacques Réda, chez Gallimard, qui l'encourage dans l'Art modeste, un essai sur les croûtes en peinture, et l'Affectation, un roman en milieu enseignant. Entrées en matière est justement le récit des échecs d'un narrateur aussi brillant qu'hésitant, englouti dans la boue des possibles, et dans la difficulté de choisir, d'avancer, de pénétrer les différentes matières, dont la première est certainement langagière. Hésitations, lenteurs, qui n'em- pêchent pas une grande rapidité d'évaluation de l'avenir. A propos d'une fille, que le protagoniste vient de rencontrer: «On sera amants d'abord, il n'empêche, avec son lot de folies, de sorties, puis époux. J'oubliais fiancés. Fiancés puis époux. De loin, la série ne fait pas envie mais ses particularités m'attirent.» Le narrateur, homme à identité complexe et multiple, regarde de près.

L'un des plaisirs d'Entrées en matière est la manière dont Alain Sevestre fait résonner diverses palettes d'ex