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Libération

Face aux piles. Pennac est amour.Daniel Pennac, Aux fruits de la passion, Gallimard, 219 pp., 98 F. Des chrétiens et des Maures, Folio, 89 pp., 20 F.

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publié le 11 février 1999 à 23h42

Donc, vous venez d'achever Aux fruits de la passion ­ «le dernier

Pennac», comme on dit chez les amateurs, ou «le Pennac», comme on dit chez les professionnels (1). Dans la foulée, parce que vous êtes curieux, ou dans les jours qui suivent, parce que Paris est tout petit, vous traînez «dans le carré Saint-Maur, Belleville, Pyrénées, Ménilmontant», et, jusqu'au cimetière du Père-Lachaise, auscultant tous commerces de bouche ou de papier chinois et arabes et franchement franchouillards, vous reconstituez les itinéraires familiers des membres de la tribu dont Benjamin Malaussène est le tuteur et Daniel Pennac le géniteur (2). Est-ce à dire que la notoriété de cette famille ressortit à un succès de proximité? Oui, mais non. Car il s'agit moins là de topographie que d'idéologie.

Entendons-nous. Si tant de monde aime Pennac, il se pourrait bien que ce soit d'abord parce que Pennac, quoique coquettement il s'en défende, aime l'humanité, et particulièrement celle que la norme n'aime pas: sans-famille et sans-papiers, orphelins de tous les mondes tiers, marginaux sexuels et sociaux, rescapés de guerres durablement civiles et handicapés de maux ordinairement quotidiens, tous bâtards et enfants de putains (3). A ainsi additionner les minorités, cela finit par faire du monde. Et beaucoup de fidèles. Et beaucoup de jaloux. De sorte que chroniquer le gentil Pennac s'avère un exercice délicat, quand on prétend n'appartenir à l'une ni à l'autre catégories. Posons donc en tout premier lieu qu