Votre premier roman s'appelle Imposture et vous avez dit que «le
titre pourrait s'appliquer à tous mes livres». Etes-vous un imposteur?
Je deviens de moins en moins imposteur avec le temps. Au début, j'avais des façons de ne pas raconter la vérité. A la longue, je la raconte. Dans Etrange Forme de vie (pas encore traduit en français, ndlr), le héros est un espion. Maintenant tous mes voisins savent que j'en suis un, ce livre m'a compliqué la vie. Et tout le monde sait que je me balade dans les autobus de Barcelone pour écouter les conversations. J'adore faire l'espion. J'ai entendu dans l'autobus deux femmes que je ne voyais pas et l'une disait: «Je me souviens encore un peu de français et d'anglais, mais, du swahili, j'ai tout oublié.» Une phrase très sophistiquée. Je me suis retourné: c'était deux bonnes soeurs, et c'était plus compréhensible. C'est une histoire pour un livre. J'ai aussi vu deux jeunes hommes dans l'autobus, ils allaient descendre, je m'approche pour écouter: «Je te le dis pour la dernière fois, ta mère est ta mère, ma mère est ma mère.» Pour moi, ces phrases sont le commencement ou la fin d'un récit.
L'écrivain espion est quelqu'un qui lit dans la vie d'autrui, qui écrit avec, parce qu'avec sa propre vie ce n'est pas suffisant. J'avais un superbe manteau rouge que je mettais pour espionner dans Barcelone, mais El Pais a publié une photo où je le porte et j'ai dû changer de manteau. J'ai une conférence standard qui s'appelle En espionnant tout le monde, c'