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Libération
Critique

L’impératif géographique

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Pendant des années, Emmanuel Kant dispense, aussi, des cours de géographie. Il y reprend quelques préjugés de son temps, assez surprenants sous la plume du philosophe de la loi morale.
publié le 11 février 1999 à 23h42

Le goudron? Il est «très semblable au pétrole», mais «sent très mauvais. On l’appelle aussi crotte du diable». L’arbre à savon? Un arbre du Mexique «qui porte des noix dont la coquille contient un jus qui mousse bien et est agréable pour se laver». Le caméléon? «Quand il est gai, sa couleur est tachetée» Le chien africain? Il ne peut pas aboyer, «surtout en Guinée». Les hommes? Eh bien, les habitants des côtes de la Nouvelle-Hollande «ont les yeux mi-clos» et ne peuvent pas voir «sans renverser leur tête sur le dos», la femme chinoise «tire toujours sur ses paupières pour les rendre plus petites», en Amérique il existe une nation «où on enfonce la tête des enfants si profondément dans les épaules qu’ils ne semblent pas avoir de cou», quant aux «Nègres du fleuve Gabon», ils «se font dans la lèvre inférieure un trou pour y passer la langue». Et qu’en est-il des courants marins, des déserts et des planètes, des fleuves, des fossiles, de la «Tatarie indépendante mahométane», des pays de la mer de Glace, des religions, des goûts alimentaires des Turcs et des Russes, de l’air «très malsain» du Benguéla, du commerce de l’or et de la culture de l’herbe du Paraguay? Réponses dans la Géographie de Kant. Oui: Emmanuel Kant, l’auteur de la Critique de la raison pure, l’incarnation des Lumières, l’un des plus grands philosophes de tous les temps.

«J'ai conçu le projet de faire l'histoire de l'état actuel de la Terre, ou de la géographie au sens le plus large, en un résumé agréable