On passe un bon moment dans le bus avec Eric Laurrent, ce qui n'est
pas le cas de tous les auteurs qu'on moleste sur la moleskine certains on les laisse à la première station, d'autres ne font pas longtemps concurrence aux sirènes ondulant derrière la vitre du transport en commun , c'est un bon test de résistance. Félix Arpeggione, lui, ne résiste pas à la patineuse «se dissociant du trafic pour biffer de ses longues jambes les bandes blanches du passage piétonnier rayant le boulevard Saint-Michel», enfin, n'y résistera pas parce qu'on n'en est pas là au début, elle n'est qu'un nom, Romance Délie.
Quand l'iris se ferme sur la dernière image («A voir comment elle se jeta au cou de Félix Arpeggione, comment en larmes elle l'embrassait ensuite, il nous semble en effet que Romance Délie entendît parfaitement tout ce qu'il voulait dire et davantage encore, car tel est bien l'amour»), Félix a eu le temps de se faire larguer par Anaïs, a coloué son appartement avec Romance, a connu le désir, la frustration, puis un orgasme ascensionnel mais avec une autre, a écouté tout Henry, Varèse, Cage et même The Rodgers and Hart Songbook (piège, c'est du jazz) sur fond de machine à laver, a connu bibliquement la Délie et la jalousie indûment. Même s'il continue, en exhibant le travail de l'écriture, de liquider la fiction, de tenter d'en faire le deuil, c'est-à-dire de tenir proche le monde dans la distance même (alors que la proximité du monde comme celle de Délie nue ne réfléchit que «l'