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Libération
Critique

Les lignes de la main. Une esquisse autobiographique par la poétesse Silvia Baron Supervielle, dont l'histoire oscille sans se poser entre France et Argentine. Silvia Baron Supervielle, La Ligne et l'ombre, Seuil «Solo», 222 pp., 95 F.

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publié le 11 février 1999 à 23h42

«Ilfaut observer et il faut voir.» Cette phrase de Marguerite

Yourcenar, Silvia Baron Supervielle la rapporte non sans malice dans la Ligne et l'ombre, qui est une esquisse autobiographique d'un genre particulier, où il s'agit de décrire ce qu'on ne voit pas, après avoir observé essentiellement le silence. S.B.S. la poétesse se trouve à ce moment-là chez M.Y. la romancière, dans le Maine, pour revoir avec elle la traduction en espagnol de son théâtre. Elle évoque la scène: «C'était la fin de l'été. Vêtue de gris, je m'en souviens, elle se tourna vers la luminosité de l'herbe, puis, relevant la tête vers l'air transparent des peupliers du fond, prononça la sentence qui retentit tel un coup de tonnerre. Elle donna un coup de tête à la fin.» Il y aura d'autres images aussi précises, aussi présentes. Par exemple, Silvia Baron Supervielle montre un geste de son père soulevant son chapeau en passant devant une église de Buenos Aires; elle détaille la poussière et les cahots d'un vieux train, ou encore fait sentir l'ivresse d'une course à cheval à travers la plaine. Mais ces images de son passé la retiennent moins que le processus qui les développe. Et comme toujours, c'est en termes d'espace, de destination, avec des verbes comme «retrouver» ou «rejoindre», qu'elle représente ledit processus. Le voyage a lieu dans le cahier où s'enroule la ligne de l'écriture. Une triple séparation fonde l'identité de l'écrivain, comme s'il n'y avait de littérature que dans l'exil, fût-il intérieu