Barcelone, envoyé spécial.
Le premier texte du livre, intitulé «Natation», ne fait que deux lignes, et c'est en outre une notation extraite du Journal de Franz Kafka à la date du 2 août 1914: «L'Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. Cet après-midi, je suis allé nager.» Enfants sans enfants (en espagnol Hijos sin hijos, Fils sans fils) est le cinquième livre traduit en français (tous très bien traduits chez Bourgois) d'Enrique Vila-Matas. Né en 1948, il vit à Barcelone au sixième étage d'un immeuble si mal conçu qu'il est forcé d'aller lui-même dans la rue chercher et raccompagner tous ses visiteurs. Il a déjà fait remarquer à Libération (parution du 15 juillet 1993) que, si on lit à l'envers son nom et l'initiale de son prénom, on trouve Satam alive, et on a donc toute raison de se méfier de son diabolisme vivace.
Virtuose dans la composition de ses intrigues acrobatiques, aussi à l'aise pour décrire des villes réelles que rêvées (son imagination est très voyageuse), Enrique Vila-Matas s'intéresse cette fois-ci à quarante et un ans (l'âge de Kafka à sa mort) de l'histoire de l'Espagne, de 1952 à 1992 inclus. En quinze textes situés chacun dans une ville différente et écrits avec l'aide inattendue de l'écrivain pragois dont une phrase est présente dans chacun des récits (voir entretien), l'écrivain montre des individus ordinaires aux prises malgré eux avec l'Histoire.
Le narrateur de «Ceux d'en bas», le récit qui est un peu le prologue du volume, dit: «On pourra toujours pe