«Je suis en train d'écrire une idylle encore plus idiote que les
Gens de Hemsö.» La traductrice Elena Balzamo, qui publie par ailleurs l'«essai biographique» August Strindberg. Visages et destins (Viviane Hamy, 320 pp., 189F.), cite cette phrase de Strindberg lui-même où il compare sa nouvelle le Sacristain romantique de Rånö et son roman les Gens de Hemsö. «Idylle idiote ou morceau d'anthologie?», s'interroge-t-elle. Et qui sont les protagonistes de cette idylle? Ne serait-ce pas le rêve et la réalité, et quel lien stable peut unir ces deux-là?
La nouvelle date de 1888. Strindberg a alors 39 ans (on fête cette année son cent-cinquantenaire puisqu'il est né le 22 janvier 1849). Le héros est Alrik Lundstedt à qui ses dons musicaux ne vaudront quand même pas l'ascension sociale qu'il avait imaginée. C'est sa générosité qui commence à le perdre, parce qu'elle est imaginaire, parce qu'elle se déploie dans un monde qui n'existe pas. Il joue à avoir déjà réussi avant que ce soit vrai, et son père, tombant de bonne foi dans le piège, ne va pas tarder à y entraîner le rêveur. Quant à sa mère, «elle aurait été assassinée lors d'un hiver rigoureux au cours duquel tout le poisson était parti». «C'est à cette époque qu'il avait appris à jouer sans jouets -il n'en avait jamais vus-, sans camarades, sans endroit pour jouer et sans connaître les jeux.» Pas étonnant, dans ces conditions, qu'il ait appris à développer son imagination.
Mais Strindberg, avec sa violence psychologique coutumière,