Longtemps réduite à un seul inventaire des titres et des contenus,
l'histoire de la presse a depuis une quinzaine d'années profondément redéfini son objet, pour s'interroger davantage sur les modes de construction de l'événement ou de l'information. Elle a chemin faisant reconnu toute l'importance d'une catégorie d'acteurs autrefois négligés, les journalistes, ces artisans essentiels mais souvent anonymes et besogneux du quotidien. Auteur d'une thèse sur les dessinateurs de presse de l'entre-deux-guerres, Christian Delporte livre ici la première synthèse de cette histoire renouvelée, qu'il a su enrichir de quelques sources inédites: papiers disparus des associations du début du siècle et retrouvés finalement dans les cartons de l'Imec (Institut mémoires de l'édition contemporaine), archives de la Commission de la carte d'identité des journalistes, décisives pour cerner ce milieu après 1936.
En centrant son étude sur les années 1880 à 1950, l'auteur a choisi d'éclairer cette période décisive «d'émergence, d'édification et de légitimation de la profession de journaliste». Car si la presse avait auparavant suscité de nombreuses vocations, c'était davantage au titre de «chroniqueur», de «polémiste» voire «d'homme de lettres», que de véritable journaliste, souvent assimilé à un faiseur ou à un aigrefin. La naissance d'une presse de masse, qui sonne le glas des journaux «doctrinaux», bouleverse ces appréciations. Le primat progressivement accordé à l'information et au reportage enga