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Libération
Critique

La mue du lunatique

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Des plages de l'Adriatique à la mer du Nord, l'éducation sentimentale d'un Pinocchio voyageur
publié le 25 février 1999 à 23h52
(mis à jour le 25 février 1999 à 23h52)

En donnant le titre de Parlamenti buffi (Drôles de parlements) à la réédition dans un même volume de ses trois romans des années 70 (dont l'Almanach du paradis aujourd'hui traduit), Gianni Celati a exhumé, en 1989, ce mot au sens désuet de «colloque ou rencontre pour faire des raisonnements et se raconter des histoires comme dans ces anciens parlements d'amour entre hommes et femmes réunis en un lieu amène». Ce cycle est placé en effet sous le signe de la parole, à la fois tentative de transformation de l'écriture en oralité et thérapeutique hilarante en vue de la guérison d'un jeune homme tenté d'exprimer son mal de vivre par l'aphasie. Les hommes sont contents quand ils peuvent jouer avec la langue, dit Celati: «Même en parlant de leurs propres malheurs, s'ils en parlent avec goût, ils sont heureux, parce qu'ainsi leurs misères deviennent fable et ils aiment se perdre suivant cette attirance pour les fables qui fait tout oublier.» Récit à haute voix de la mue d'un jeune homme lunatique en homme tout court (il y a quelque chose de Pinocchio chez lui), l'Almanach du paradis est un roman d'initiation au voyage et le journal d'une éducation sentimentale. C'est pour les beaux yeux clairs d'une étrangère de seize ans aperçue sur une plage de l'Adriatique qu'un étudiant en lettres quitte sa fac, sa mère et ses amis, et part retrouver sa dulcinée - à laquelle il a juré éternel amour - dans une ville allemande de la mer du Nord, port démesuré à l'embouchure d'un fleuve immense (H