Pour reprendre une expression que Truffaut appréciait, apprend-on
ici, et qu'il avait trouvée chez Pierre Dac, cette histoire du Petit Voisin est vareuse, c'est à dire: elle est unique. Elle montre comment un orphelin de père s'est trouvé un re-père à partir de quoi construire son identité, et comment la distance légendaire du très romanesque François Truffaut a pu être formatrice, généreuse, secourable. Si l'auteur, Jérôme Tonnerre, est un peu trop lacano-maniaque, comment ne pas s'incliner quand il nous invite à entendre un mot comme «tumeur»? Son livre, autobiographie en miroir, double enquête, ne laisse rien au hasard. Ainsi la rue François-Truffaut côtoie-t-elle désormais à Paris, rive gauche, la rue George-Gershwin. Il est idiot de célébrer dans les anciens entrepôts de Bercy le fieffé buveur d'eau de la rive droite. Quel rapport avec le compositeur américain? Il est mort un dimanche, d'une tumeur au cerveau, comme Truffaut en 1984.
Dix ans auparavant, un soir d'octobre, Jérôme, qui ne s'appelait pas encore Tonnerre, débarquait sans prévenir aux Films du Carrosse où son idole le reçut: «Aigu, pénétrant, d'une fixité effarée, son regard agrippe le mien pour ne plus le lâcher.» Il a 15 ans, il vient de voir la Nuit américaine, il veut faire du cinéma. En fait, ils sont voisins. «François Truffaut habite mon enfance», explique aujourd'hui le «fan d'à côté» qui a réintégré l'immeuble où il est né, près de la rue Marbeuf. Il jouait sans le savoir sous les fenêtres de son fut