Dans Traverses, son dixième livre, Jean Rolin évoque son sentiment,
«en habitant ici et là» chez des gens qu'il connaît à peine, «d'être en fuite, c'est-à-dire aussi d'être recherché». Il lui plaît d'éprouver «cette impression de clandestinité»: «je n'ai jamais eu le goût des domiciles fixes, et si je pouvais me procurer de faux papiers et vivre, au moins par moments, sous une identité d'emprunt, je le ferais bien volontiers, même sans aucune nécessité». Cette remarque explique en partie la place particulière qu'occupe Jean Rolin dans le paysage journalistique et littéraire, à la fois établi - prix Albert Londres et prix Roger Nimier, prix Larbaud et prix Médicis 1996 pour l'Organisation - et irréductiblement à l'écart. Depuis son premier livre Chemins d'eau, Jean Rolin emprunte des routes jugées secondaires (les canaux, l'Afrique australe, la frontière belge, la banlieue parisienne), l'apparent nulle part lui fournissant un matériau aussi riche que les terrains de reportage les plus courus. Credo, défini dans Zones, de cet écrivain-voyageur pas comme les autres, arpenteur des marges: «Rêvasser, observer à la dérobée, me tenir à l'écart, attendre et voir venir.» Loin de tout journalism e pittoresque et de toute sociologie de comptoir, Traverses se présente comme un voyage erratique - et souvent fort arrosé - en France à la fin de l'année 1997, de Tarbes à Longwy en passant par Clermont-Ferrand et Dijon, avec épilogue rédempteur dans un autobus pour Sarajevo. Au cours de ses é