Montréal envoyé spécial
C'est une scène de prostitution dans le parc Lafontaine. L'homme est en voiture, Marie fait du stop. « Comment est-ce que tu t'appelles? fait-il semblant de s'intéresser.
C'est vingt piastres, dit Marie. Sans pénétration. Vingt-cinq pour un blow job. Cinq de plus si vous touchez.» Une petite demi-heure après, «le conducteur éjacule dans la bouche de Marie. Cela dure trois secondes». Puis il pleure. «Ils pleurent souvent, comme ça, après.» Elle attend que ça passe. Elle hérite de tout ce que l'homme a sur lui, quarante-deux dollars. Puis elle rentre à la maison après s'être acheté un colis qu'elle déballe. «C'est un ourson blanc, en peluche, avec un museau noir et des yeux brillants. Marie prend l'ourson, se couche avec lui, collée dans sa chaleur synthétique, reste ainsi des heures, un sourire flou aux lèvres. A douze ans, c'est encore des choses comme ça qui rendent presque heureux.» La nouvelle s'appelle «l'Enfance de l'art», elle fait trois pages dans le recueil les Aurores montréales, paru en 1997 chez Boréal comme les trois autres livres de Monique Proulx.
Née en 1952, Monique Proulx est rieuse et n'a publié que quatre livres (Sans coeur et sans joie, nouvelles, le Sexe des étoiles et Homme invisible à la fenêtre, romans), car elle prend son temps. «Quand on écrit un livre par an, c'est toujours le même.» Elle préfère attendre «le moment propice». Elle écrit aussi avec plaisir des scénarios. «L'horreur de l'écrivain de cinéma, c'est quand on voi