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Libération

La langue de nos pairs

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publié le 18 mars 1999 à 0h11
(mis à jour le 18 mars 1999 à 0h11)

Lorsqu'en 1534 Jacques Cartier pose le pied sur la plage de Gaspé et prend possession de la terre qu'il foule au nom du roi de France, il y a déjà un micmac. Les Indiens qui l'accueillent indiquent la direction en répétant «Kanata, kanata». Le Malouin donne ce nom au pays alors que les Amérindiens ne disent que «village». Ce quiproquo illustre les relations entre Blancs et premiers occupants. Mobilisés par la défense du français, peu de Québécois s'intéressent aux cultures amérindiennes ou inuk. Quelques-uns savent que «eskimo» est un cri péjoratif qui signifie «bouffeur de viande crue», mais presque tous ignorent que «qallunat», qui désigne les Blancs chez les Inuits, signifie en inuktitut «gros sourcils et grosse bedaine». Bien peu savent que le préfixe mata (Matane, Matawin, Matagami") indique la présence d'eau" que Kanehsatake (lieu du soulèvement mohawk de 1990) désigne l'endroit «où les dunes brillent au soleil».

Bien sûr, la tradition orale ne favorise pas l'écrit. Bien peu des 53 langues amérindiennes du Canada ont survécu et, au Québec, seuls le cri et l'inuktitut sont vivaces. Si les programmes scolaires, qui prévoient l'enseignement primaire aux petits autochtones dans la langue de leurs pères, permettent de maintenir sinon de raviver certains usages (montagnais, cri, etc.), d'autres situations sont dramatiques. En 1990, dans la réserve abenakie d'Odanak, lorsqu'une aînée a entrepris d'enseigner sa langue vernaculaire, il n'y avait plus que six locuteurs. Le wend