Montréal envoyé spécial
«Parler de la littérature québécoise épuise vite son homme.» Pince-sans-rire, Gilles Marcotte, né en 1925, professeur d'université pendant trente ans, a publié récemment deux livres (chez Boréal), l'essai Ecrire à Montréal où il s'interroge sur la spécificité de l'écriture liée à cette ville et, ces jours-ci, le recueil de nouvelles la Mort de Maurice Duplessis.
En quoi Montréal est «inconfortablement moderne»?
La modernité est fatigante. En France, elle vient après quelque chose. Nous, on a sauté à pieds joints au-dessus du dix-neuvième siècle. Le réalisme est extrêmement faible dans notre littérature. C'est une coupure par rapport au côté anglais qui a vécu l'industrie et la forme romanesque qui va avec. Dans les années 1960, nous avons été livrés à la modernité sans aucune forme de protection. McLuhan dit que nous sommes passés du dix-huitième au vingtième siècle et que nous devons tirer avantage de ce retard historique. Les Esquimaux sont les meilleurs mécaniciens pour les avions les plus récents, parce qu'ils n'ont jamais travaillé sur les avions précédents. Le plus bel exemple est Réjean Ducharme dont la littérature est libre, absolument pas soumise aux contraintes du réalisme, il joue avec l'univers et le langage de façon extraordinaire. Mais, chez d'autres écrivains québécois, il y a parfois une débauche de vocabulaire, comme si on devait lire le dictionnaire à la main, et une volonté de massacrer la syntaxe avec maladresse. C'est le risque d'