Montréal envoyé spécial
«J'ai traversé ma vie en courant», dit le narrateur de Mille eaux. Emile Ollivier, né à Port-au-Prince en 1940, raconte dans ce récit ses premières années à Haïti, aujourd'hui qu'il n'y a pas que l'éloignement géographique qui le rend «étranger» au «pays de l'enfance». «Bénéficiant» d'une santé fragile (une machine lui permet d'effectuer ses dialyses à domicile), il a toujours vécu dans «un sentiment d'urgence». Dans Mille eaux, il raconte ce qu'il sait de son père, «Nègre vertical» respecté de tous mais «pourvu d'un sens inné de l'irresponsabilité», et mort quand il avait 10 ans. «Ce n'est pas drôle la vie d'artiste, surtout quand on est figurant», disait Madeleine Souffrant, la mère au nom prédestiné du nar- rateur. Le livre décrit aussi l'émouvant éveil du petit garçon à la langue française, «à la fois écueil, refuge et tribune aux dimensions du monde», quand il était interdit d'utiliser le créole dans l'enceinte de l'école.
Quoiqu'il habite dans un quartier anglophone de l'ouest de Montréal, Emile Ollivier ne parle pas anglais. Dans son «solarium», il revient sur ses plus de trois décennies québécoises. «J'ai besoin de la langue française, j'ai toujours voulu être un écrivain français. Je suis arrivé à Paris en 1965 pour étudier à la Sorbonne, j'avais quitté Haïti après y avoir fait de la prison parce que je défendais la liberté d'expression. En vacances aux Etats-Unis, un samedi j'ai été voir au Québec un ancien professeur. Il m'a fait parler de