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Critique

McEwan, une raison en enfer

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Suffit-il d'être un esprit rationnel pour déjouer le délire d'un érotomane mystique? Sixième roman traduit de l'Anglais Ian McEwan.
publié le 25 mars 1999 à 0h16

L'usage a fini par faire de l'érotomane un obsédé sexuel. En

réalité, l'érotomanie est une psychose. Baptisée par Esquirol, puis décrite en 1942 par Clérambault qui a laissé son nom à ce syndrome, elle se caractérise par «l'illusion délirante d'être aimé». Elle est au centre de Délire d'amour, le sixième roman traduit de Ian McEwan. Un forcené fait irruption dans la vie du héros, un dénommé Joe, et la fout en l'air. Le point de vue est celui de la victime, laquelle a de la ressource. Sinon, McEwan (né en 1948) ne serait pas un des conteurs les plus avisés de la littérature britannique actuelle.

Une série de détails, comme autant d'instants suspen- dus, diffère voluptueusement l'énoncé de la catastrophe. Un couple s'apprête à déjeuner sur l'herbe. Joe est un journaliste scientifique, Clarissa une spécialiste de John Keats. Un ballon, pas un petit ballon pour jouer, mais un aérostat du genre de ceux qui font le tour du monde, vient s'échouer non loin de là. Un enfant est resté coincé dans la nacelle. Son grand-père, empêtré dans le cordage, tente en vain d'arrimer la monstrueuse baudruche avant qu'une bourrasque l'emporte. Il appelle au secours.

Le malheur est dans le pré, cours-y vite. En se précipitant, Joe enclen-che le processus démo-niaque qu'il va reconstituer par le menu, le livre durant. Ils sont cinq à rejoindre le ballon, dont un jeune type, Jed. Ils s'agrippent aux cordes, se retrouvent propulsés dans les airs, lâchent prise. Tous sautent, sauf un, un père de famille