En 1997, pour la publication en Amérique d'Outremonde, vous avez écrit, dans The New York Times, que la forme du roman «porte une date d'expiration qui pourrait prendre effet dès demain», c'est votre conviction?
J'ai le sentiment que notre culture, aux Etats-Unis en particulier, n'a plus le temps, ni l'espace disponible pour le roman parce que celui-ci est exigeant, douloureusement lent à écrire, et même à lire. Les informations qui circulent à grande vitesse sont devenues une nouvelle forme de récit qui tend à remplacer les autres manières de communiquer entre individus. Les romanciers entrent en résistance, ils produisent de longs ouvrages, compliqués et ambitieux, qui marquent leur opposition aux exigences du marché. Ils s'inscrivent contre une certaine direction prise par notre culture, et, en fait, ces deux ou trois dernières années, aux Etats-Unis, on a vu paraître un certain nombre de très longs romans, des oeuvres que nous ne sommes plus censés entreprendre. Outremonde, à l'origine, est un acte de foi personnel dans le roman. Il m'a fallu cinq ans pour l'écrire et j'ai tout de suite pris conscience que je souhaitais être à la hauteur des autres formes d'expression, que je voulais tirer de la langue tout son pouvoir, utiliser toutes les possibilités offertes par la littérature, ouvrir les perspectives comme dans le prologue, à l'intérieur du stade de base-ball, où les phrases peuvent voyager librement d'un personnage à l'autre. Je me suis senti totalement immergé dans l'écriture, plus que je ne l'ai jamais été par le passé, presque submergé par la langue, par les langages perdus du Bronx italien, par exemple, où je suis né et sur lequel je n'avais pas encore écrit, à l'except