Menu
Libération
Critique

La misère du livre. La revue de Pierre Bourdieu consacre un numéro spécial à l'édition, coincée entre création et marketing. Actes de la recherche en sciences sociales Edition, éditeurs (I) N° 126-127, mars 1999. Le Seuil, 128 pp., 95 F.

Article réservé aux abonnés
publié le 1er avril 1999 à 0h32

«Une révolution conservatrice dans l'édition»: sous ce titre, Pierre

Bourdieu publie dans la revue qu'il dirige les résultats d'une enquête menée par ses collaborateurs et lui-même entre 1995 et 1996 auprès de 61 maisons d'édition françaises de littérature. Assez difficile à mener étant donné le peu de goût du milieu pour la transparence (ne serait-ce que pour avoir les chiffres de vente réels d'un livre), cette enquête tente de décrire le «dispositif institutionnel» du secteur, «les relations objectives entre les différents agents qui contribuent à la décision de publier» ou non, de déterminer si les stratégies se déduisent ou non des positions occupées dans le champ éditorial. C'est donc à une analyse comparée des grandes maisons, appuyées ou non sur un des deux groupes (Hachette, Havas) et des petites structures indépendantes nées depuis une vingtaine d'années que se livre Pierre Bourdieu (graphiques savants à l'appui). Pour le sociologue, ce sont les «nouveaux entrants qui créent le mouvement», contraints et forcés: «Plus souvent provinciaux, plus souvent dirigés par des femmes ­ et dotées d'une forte culture littéraire ­, dépourvus de toutes les instances d'évaluation et de sélection (comités de lecture), qui sont aussi des lieux d'accumulation d'un capital social de connexions utiles à la promotion des auteurs et des livres, ces petits éditeurs sont absents (ou exclus) de tous les jeux du grand commerce éditorial, comme la course aux prix littéraires, le recours à la pu