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Libération
Critique

Pauvre petite fille richeElizabeth Bowen. Eva Trout. Traduit de l'anglais par Jacqueline Odin Rivages. 362 pp., 145 F. Sept Hivers à Dublin. Traduit par Béatrice Vierne. Anatolia/Le Rochern, 83 pp., 89 F.

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publié le 8 avril 1999 à 0h38

Les dix romans et la demi-douzaine de recueils de nouvelles

d'Elizabeth Bowen (1899-1973) ont laissé une marque indélébile dans le ciel des lettres anglaises, faisant d'elle, de surcroît, ce que ses confrères nomment un writer's writer ­ un écrivain pour écrivains. Découverte en France avec l'Ardeur du jour où sont décrits les ravages causés par le blitz dans les coeurs comme dans les rues de Londres, Bowen était alors qualifiée de «Colette anglaise». C'est que cette romancière réputée scandaleuse n'hésitait pas à peindre avec une certaine hargne les rapports de couples et à faire de l'homme un objet manipulable. Au féminisme souvent éthéré de Virginia Woolf elle substituait des armes acérées ­ comme avant elle la hautaine et plutôt tordue Ivy Compton-Burnett, auteur de Plus de femmes que d'hommes. On retrouvera les germes du détachement parfois pathétique, quoique teinté d'ironie, de l'auteur dans les pages d'un court récit intime, Sept Hivers à Dublin, où Bowen s'épanche sur son enfance solitaire en Irlande, mais aussi l'origine de certaines de ses nouvelles fantastiques comme l'étonnante Main dans le gant, qui fait partie du recueil le Pacte avec le diable (1945). Née dans une opulence austère, l'auteur a grandi dans la fascination de lieux qui ont jalonné sa vie. Ainsi la maison de Windsor Terrace, dans les Coeurs détruits (1939). Pour elle, les êtres sont eux aussi hantés par leur éducation, leur passé, et ne s'expliquent ­ peut-être ­ que par la relation subtile qu'ent