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Libération
Critique

Utopie, je t’aime.

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Simone Debout a retrouvé le manuscrit du «Nouveau Monde amoureux» et édité les oeuvres complètes de Fourier.
publié le 8 avril 1999 à 0h37

C’est un couscous rance mangé chez des amis qui donnait à Roland Barthes les clés de la philosophie de Fourier. Simone Debout, elle, préfère la voie du ça freudien. Dans Griffe au nez, qui reparaît aujourd’hui, cette philosophe met en perspective son auteur fétiche et le Burroughs des Derniers Mots de Dutch Schultz. Elle y fait resurgir du texte de Fourier, à travers l’étude d’une étrange lettre datée d’un «Ça me dit» («samedi») et commençant par les mots «Geai ressue mât chair l’or» («J’ai reçu ma chère Laure»), une série d’associations désirantes où tout ce que d’habitude l’on cache se fait jour: «Fesses teint, pet, culs, pisser, caque, dent, faim, le corps et ses mouvements à nu.» Dans le grand living où elle nous reçoit et où s’égaillent souvenirs de voyages, lithographies et quantité de livres de tous formats, rangés ou empilés, stratifiés comme au fond d’un océan, on se surprend à penser évidemment que voilà de bien peu recommandables lectures et de bien bizarres occupations pour une vieille dame blonde. Mais Simone Debout se moque bien des préjugés: elle aime la provocation et assume son indignité.

C’est en effet en publiant pour la première fois en 1967 un manuscrit de Fourier, le Nouveau Monde amoureux, où l’utopiste analyse par le menu les «manies» ou «fantaisies lubriques», qu’elle entre au CNRS et dans la recherche proprement dite. Ces «fantaisies lubriques» effarouchaient les chercheurs, qui pr