La guerre d'Algérie occupe, aujourd'hui encore, une place ambiguë
dans la mémoire nationale, et les plaies consécutives à ce terrible conflit saignent encore. Plusieurs centaines de milliers d'appelés participèrent à cette «guerre sans nom». Certains moururent, beaucoup se taisent, n'osant se remémorer et encore moins transmettre les épreuves auxquelles ils furent confrontés. Dans un livre original, une historienne, Claire Mauss-Copeaux, s'efforce de retracer l'itinéraire de ces conscrits. Se fondant sur une cinquantaine de témoignages réalisés dans la région vosgienne, elle offre une peinture saisissante de ces appelés débarquant dans le djebel.
Peu refusèrent d'aller combattre. Issus d'un milieu modeste, ils envisageaient la guerre comme un devoir qu'il fallait accomplir, parce que la France le demandait et que la survie de l'Empire l'exigeait. Epargnés par la double tentation de l'insoumission et de la désertion, ils restaient, au fond, marqués par la culture républicaine diffusée par l'école, relayée par la famille, consolidée par le fait régional le souvenir vosgien de la Résistance obligeant à répondre présent. Cette obéissance ne s'accompagne pourtant d'aucun fanatisme. Les appelés n'ont pas le sentiment de mener une croisade, ce qui suffit à les distinguer des militaires de carrière, souvent passés par l'Indochine, prêts à tout pour conserver à la France les départements algériens. Cette indifférence se lit également dans la faible sensibilité au monde extérieur