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Libération
Critique

Les damnés de la guerre. Par un irréductible opposant serbe, des monologues en reflets de la haine et de la violence qui ravagent l'ex- Yougoslavie . Vidosav Stevanovic, La Même Chose, Traduit du serbe par Mauricette Begic et Nicole Dizdarevic. Mercure de France, 164 pp., 136 F.

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publié le 15 avril 1999 à 0h44

Ce sont onze monologues hallucinés qui s'entrecroisent pour une

implacable descente dans l'horreur et la guerre. Ce sont onze personnages enfermés en eux-mêmes errant toujours dans la ville en ruines ou traînant dans leur exil d'innommables souvenirs" Il y a Simon, l'orphelin des caves dont les parents ont été massacrés «sous ses yeux qui depuis ne peuvent plus ni ciller, ni pleurer, ni se fermer». Il y a Sela, enceinte après avoir été violée, qui se hait encore plus que la vie qu'elle porte dans son ventre et rêve «de se délivrer du fardeau, du dégoût, de la haine que des forcenés ont déversés en elle pour ensuite la laisser vivre au lieu de la tuer». Il y a Za, la petite pute arpentant désormais les rues de Paris et il y a La Couronne à la beauté désormais flétrie qui, avant que la guerre n'éclate, était partie tenter sa chance dans l'Occident opulent. Il y a le sniper sans nom, professionnel froid et méticuleux, maudissant la concurrence qui fait tomber les prix. Il y a le Professeur, l'intarissable ratiocinateur de la haine ethnique, lui-même jadis rescapé d'autres horreurs et convaincu à jamais que la vie en commun est impossible: «La paix revenue, ils ont coulé du béton dans les fosses et ont posé là des plaques, des mensonges. Personne n'a osé déterrer les ossements, les aligner sur la prairie, appeler les parents survivants et leur montrer ce qui les attendait eux aussi à la guerre qui allait suivre». La paix est seulement un répit, un vain intermède. Tous savent qu'