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Libération
Portrait d'Alain Finkielkraut

Le contre-penseur

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Alain Finkielkraut, 49 ans, vient de publier «l’Ingratitude». Philosophe à réactions, c’est le Cassandre inquiet de la Démocratie.
publié le 19 avril 1999 à 0h46

Quand Alain Finkielkraut égare un livre dans sa grande bibliothèque, il lui arrive d’en pleurer. Quand une alarme sonne (parmi les pavillons) tandis qu’il regrette la dégradation du débat intellectuel en France («Il y a eu une période de désaccord civilisé dans les années 80, c’est fini»), il ferme les yeux, se tait, rentre les épaules: l’alarme, véritable chant du coq, porte soudain en elle la barbarie du monde moderne que ce charmant philosophe-réflexe dénonce depuis la Défaite de la pensée. Et lorsque débute la guerre à la Serbie, fidèle à des convictions établies du temps de la Croatie naissante, «Finky», comme l’appellent certains amis, signe en quinze jours trois articles pour signifier son engagement en faveur de l’Otan et des combats au sol. Ainsi songe-t-il: fébrilement, plein d’une angoisse qui l’empêche de ne pas mordre dans tout ce qui passe à sa pensée. Ce monde le travaille de l’intérieur, comme s’il en accouchait toujours et sans anesthésie. Il lui faut sauter ici et là, puce philosophique intempestive. «Ma pensée, dit-il, se nourrit de l’intervention et de l’événement. Je comprends qu’on déserte les médias par hostilité, mais dans mon cas, ce serait contre nature.»

Cette nature se conjugue au présent mécontent et au futur antérieur. Le jeune penseur de l'amour et de l'aventure est devenu, avec l'âge, celui d'un monde classique, d'une république rêvée par Péguy, d'une civilisation et d'une mémoire ordonnées. C'est le Cassandre démocratique. Ses cibles? Le cosmo