Les sept premiers livres traduits du Sud-Africain J.M. Coetzee n'avaient aucun caractère autobiographique apparent: allégoriques ou réalistes, le plus souvent dépouillés jusqu'à l'os, ces romans ou nouvelles révélaient beaucoup sur l'Afrique du Sud mais peu sur leur auteur, hormis un sentiment d'enfermement presque infini, qu'on pouvait relier à la situation de son pays. Publié après la fin de l'apartheid, Scènes de la vie d'un jeune garçon (Boyhood en version originale) rompt avec la discrétion de ce quinquagénaire silencieux et solitaire, professeur de littérature américaine à l'université du Cap: ce sont des souvenirs d'enfance. A première vue, des épisodes sans histoire de la vie d'un jeune garçon: l'école, les vacances à la ferme, la passion du sport, la découverte de la sexualité... Pourtant, plus on avance dans le livre, et plus s'en dégage une grande singularité.
De l'enfance, J.M. Coetzee écrit d'emblée que rien ne lui donne à penser qu'elle «est autre chose qu'une période de la vie qu'il faut endurer en grinçant des dents». Ainsi, à l'école, le fouet est de règle: lui s'interdit la moindre défaillance, il préférerait mourir que d'être battu, l'avilissement serait trop fort. Mais échapper au châtiment qui frappe tous ses camarades le rend honteux, «il a le sentiment d'être abîmé. Il a le sentiment que quelque chose en lui se déchire lentement tout le temps: une paroi, une membrane. il essaie de se crisper autant qu'il peut pour contenir cette déchirure. Pour la conte