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Critique

Foucault, retour à l'anormal.

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Le monstre, l'incorrigible, l'onaniste: de ces trois figures naît l'individu «dangereux» dont parlent les expertises psychiatriques. C'est l'objet du cours de Michel Foucault au Collège de France en 1975.
publié le 29 avril 1999 à 0h49

Deux amphithéâtres, bondés. «Quand Foucault entre dans l'arène,

rapide, fonceur, comme quelqu'un qui se jette à l'eau, il enjambe des corps pour atteindre sa chaise, repousse les magnétophones pour poser ses papiers, retire sa veste, allume une lampe et démarre à cent à l'heure» (1). Ce jour-là, le 8 janvier 1975, il commence par lire des documents datés de 1955, sur trois hommes accusés de chantage dans une affaire sexuelle: «X., intellectuellement, sans qu'il soit brillant, n'est pas stupide. (") Peut-être, son allure efféminée a-t-elle aggravé cette tendance à l'homosexualité, mais c'est l'appât du gain qui a amené X. au chantage. X. est totalement immoral, cynique, voire même bavard. Il y a trois mille ans, il aurait certainement habité Sodome et les feux du ciel l'auraient justement puni de son vice. Il faut bien reconnaître que Y. aurait mérité la même punition. (") Z. est un être assez médiocre, opposant, ayant bonne mémoire, enchaînant bien ses idées. (") Il se vautre dans le stupre" Il est particulièrement répugnant.» Des rapports d'expertise psychiatrique, à usage pénal!

A l'époque, Pierre Perret chantait le Zizi, et les Verts de Saint-Etienne brillaient en Coupe d'Europe. L'ONU venait de proclamer «l'Année de la femme». En France, l'avortement n'était plus illégal. Un commando de Septembre noir, à Orly, tirait au bazooka sur un B-707 d'El Al. Le procès de la «bande à Baader» allait s'ouvrir en Allemagne. Au Viêt-nam-du-Sud, les communistes prenaient Phuoc-Binh, Da