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Libération
Critique

«L'Expédition» burlesque et féministe de Pierrette Fleutiaux sur l'île de Pâques, parodie de Jules Verne et de Lapérouse, est dangereusement imprégnée des maléfices locaux. Pierrette Fleutiaux, L'Expédition, Gallimard, 456 pp., 130 F.

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publié le 29 avril 1999 à 0h49

C'est donc l'histoire d'une expédition. Une expédition sur l'île de

Pâques. Ecrivain voyageur, fan de Lapérouse et de Pierre Loti, d'où la construction de son patronyme, Angèle Lapérierre est «la Commandant». Son second est «la Professeur» Charlotte Delépine de Langle, généralement discrète quant à ses origines aristocratiques. L'aïeul Langle, compagnon de Lapérouse, a modifié l'écosystème de l'île en important des légumes. Sema-t-il des graines de haricots? Le mot arrico, désignant la même chose en rapanui (la langue des Pascuans), plaiderait en ce sens. Mais Monica Martinière, spécialiste de ces questions et troisième membre de l'équipe, est formelle, le haricot ne figure pas dans les listes qu'elle a épluchées.

Ce détail, en soi insignifiant, montre que des dissensions sont à craindre. Mme Delépine, la cinquantaine austère, 59 600 copies corrigées à son compteur de sainte laïque, est un hérisson dont Mme Martinière, 36 ans, belle plante, pourrait se moquer. Elle-même est une obsédée sexuelle, jusqu'à ce que certaines confidences nous la montrent sous un autre angle. Quant à la Commandant, elle est veuve d'un «homme exceptionnel» qui savait supporter ses absences. Un vrai mari de marin ­ puisque Angèle file volontiers la métaphore navale.

On aura remarqué que, dans ce nouveau roman de Pierrette Fleutiaux (après Nous sommes éternels, prix Femina 1990, et Allons-nous être heureux? en 1994), les premiers rôles sont féminins, et les titres accordés à la manière du gouvernement s