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Libération
Critique

Alger et les garçons. Poète officiel du FLN, assassiné en 1973, Jean Sénac avait fini par délaisser le réalisme socialiste pour consacrer sa prose au corps des jeunes mâles. Un recueil et une biographie. Jean Sénac. oeuvres poétiques. Actes Sud, 832 pp., 199 F. JAMEL-EDDINE BENCHEIKH, CHRISTIANE CHAULET-ACHOUR. Jean Sénac, Clandestin des deux rives. Séguier, «Les Colonnes d'Hercule», 160 pp., 99 F.

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publié le 13 mai 1999 à 0h58

C'est 1962, la guerre d'Algérie s'achève, les pieds-noirs traversent

la Méditerranée, Jean Sénac aussi, mais dans l'autre sens. Il part s'installer définitivement à Alger. Il y vivra onze ans à tenter de fonder, avec d'autres, une poésie algérienne de langue française. En août 1973, on l'assassine. La légende dit que son meurtre fut politique. La légende, qui est toujours d'une moralité exemplaire, préfère voir mourir les poètes pour de nobles causes que sous les coups d'un prostitué mâle et mal embouché. On ne saura sans doute jamais de quoi exactement est mort Jean Sénac. Peut-être d'avoir trop écrit, avec trop de liberté, ce qui, après tout, est probable, puisque Sénac a eu plusieurs fois le pressentiment de sa fin. En 1971, il proclame «l'heure est venue pour vous de m'abattre, de tuer/ en moi votre propre liberté». Le 24 mai 1973, entre 6 heures du matin et 7 heures du soir, il écrit douze poèmes qui sont autant d'annonces de sa mort prochaine. Ces douze ultimes poèmes ferment le très gros volume de ses oeuvres poétiques aujourd'hui publié par Hamid Nacer-Khodja.

En retournant en Algérie, Jean Sénac revenait à son pays natal ­ il y était né en 1926, de mère pauvre et espagnole ­ pour participer à l'histoire de son peuple. Mais, s'il avait chanté, très bien et sur tous les tons (notamment le ton de Whitman), le combat des Algériens pour l'indépendance, il savait que la lutte politique ne pouvait plus être l'horizon de son écriture. Les premiers vers de Citoyens de beauté (