Une ville de province au bord d'un fleuve, bordé à l'ouest par la
plaine argentine. Une ville sans qualités, sorte de décor posé sur la Pampa où les maisons coloniales, souvenir du vice-royaume, laissent place à l'architecture sans architecture, du béton et du néon. C'est là que sont nés tous les romans de Saer, entre le port fluvial, la gare routière et les bars. C'est sur le damier de cette ville que, dès les années 60, Saer a posé ses personnages qui, comme Tomatis ou Pigeon, présents dans les Nuages (voir ci-contre), dessinent sa Comédie humaine.
Lorsque Saer s'est installé en France en 1968, il n'en a pas pour autant abandonné cette ville devenue plus mentale encore. Elle a beaucoup à voir avec Santa Fe où l'auteur a vécu et parfois avec Rosario où il a fait ses études. Mais son exil parisien redoublant celui, plus ontologique, qui est à la base de son sentiment sur le monde, a fait de cette ville le lieu unique d'où il écrit.
La profonde unité de lieu de cette oeuvre s'est imposée en France dès 1976, avec le Mai argentin (Denoël), qui fut suivi par deux volumes formant une trilogie sur le temps: les Grands Paradis (1980) et Nadie Nada Nunca (1983). Mais il manquait un chaînon constitué par les premiers livres de Saer, qui furent publiés en marge de la littérature officielle de l'Argentine de cette époque. Appartenant au groupe de Santa Fe qui rassemblait poètes, écrivains, cinéastes et artistes, en opposition esthétique et politique avec les milieux de la littérature offi