Tout le monde a entendu parler de la «grand peur de l'an mille»,
voire de la mise en cause de son existence réelle par des historiens eux-mêmes contestés à leur tour. Spécialiste de l'Antiquité tardive et du haut Moyen Age (1), Pierre Riché commence par faire le bilan de cette querelle historiographique, une des plus longues et célèbres qui soient: les terreurs de l'an mille sont bel et bien «une légende, hélas tenace». A l'appui de cette thèse, l'historien propose une sorte de tour d'horizon complet de la société européenne à la fin du premier millénaire.
Contrairement à ce qu'on a prétendu, les décennies qui précèdent l'entrée dans le deuxième millénaire forment une époque plutôt prospère, qui n'ignore ni défrichements, ni commerce au loin, ni vie urbaine et création architecturale. Ces activités n'ont certes pas l'extension qu'elles connaîtront un siècle ou deux plus tard, mais indiquent une vitalité certaine. En politique, le grand homme du jour est l'empereur saxon Otton III, avec lequel le roi de Francie, Hugues Capet (941- 996), file doux, même s'il s'estime son égal. Le plus souvent, la réalité du pouvoir appartient à des grandes familles aristocratiques, à la tête de principautés et jalouses de leur pouvoir. La fragmentation territoriale, qui aboutira au système féodal proprement dit, n'en est qu'à ses tout premiers linéaments.
Non moins contradictoire avec la légende noire de l'an mille est l'affirmation selon laquelle cette époque a connu un véritable «essor intelle