En ouvrant l'épais Siècle rebelle, dont le sous-titre et le
classement par «désordre alphabétique» (1) établissent qu'il s'agit d'un «dictionnaire de la contestation au XXe siècle», on ne manquera d'abord pas de se demander ce que ça signifie, rebelle, pour les quelque cent soixante-dix hétérogènes collaborateurs que fédère l'entreprise. Puis, très vite, à feuilleter le recensement en un demi-millier d'entrées des «hommes, lieux, thèmes et expressions» qui firent bouger ce siècle, on se demandera ce qui ne l'est pas, rebelle (2) ou, au choix, contestataire, révolté, révolutionnaire. Après s'y être longuement immergé, force sera enfin d'admettre que ce dictionnaire-là remplit parfaitement sa fonction de dictionnaire: dresser, à un moment donné de l'histoire des idées, un état des lieux de l'idéologie. Il en constitue même une plaisante illustration, presque aussi caricaturale que sa maquette si conformément branchée qu'elle contredirait presque la nature de son objet.
A ce titre, l'ouvrage eût pu aussi bien s'intituler «Dictionnaire de la conciliation», tant il marie d'extrêmes oppositions par le seul biais de leur plus petit commun dénominateur: être contre, qui est la chose la plus libéral-libertairement partagée. Ainsi défilent, en une singulière procession, des bataillons multiples de vainqueurs et de vaincus comme autant d'antonymes; ainsi s'accouplent en terribles apparentements Charles Péguy et Benjamin Péret (3), punks et taliban, gépéoutistes aragoniens et hussards d