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Libération

Rendez-vous au café L'Eden sans passer par l'Europe.

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par Tierno MONENEMBO
publié le 13 mai 1999 à 0h58

En Afrique, c'est connu, l'appel du devoir est mas (sacré) et la

mémoire, mon cher, est plus lourde encore que mille arrobes de sucre candi plus les grosses fesses de Monsieur le colon sur la tête d'un petit Nago. L'Afrique, c'est énorme, c'est dur à porter: trop de fétiches et de dieux, d'ancêtres comminatoires, de despotes sans remords et de Blancs civilisateurs. Et pourtant, sur la carte, le Rwanda, ce n'est jamais qu'une simple tête d'épingle perdue dans un continent sans limite, peuplé, selon les mauvaises langues, de lépreux et de fringants mercenaires: la même taille que Kampala ou Bukavu, Goma ou Lumumbashi. Mais son histoire, quelle démesure!

En 1976, à la cité universitaire de Saint-Etienne, le hasard m'avait donné pour ami un étudiant rwandais ­ d'ethnie hutue, précisait-il toujours ­ du nom de Faustin Tuyishime. Les Hutus et les Tutsis, j'en avais déjà entendu parler: ce devait être les Mandingues et les Peuls de l'autre bout de l'Afrique, cette région obscure que l'islam de mes fanatiques ancêtres n'avait pas eu la gentillesse de fouler.Seulement, j'y avais à peine fait attention. D'ailleurs, je confondais les noms: je disais Hutsi et Tutshu, Urundi et Buranda. Bref, des mots qui me faisaient beaucoup plus rire que frissonner. A Saint-Etienne, cependant, ce n'était pas le cas de Faustin Tuyishime. Quand, le week-end, nous nous retrouvions au bar Le Jaune, il sombrait dans une profonde mélancolie, manifestait un irrépressible besoin de se confier: «J'ai peur. Ça v