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Libération
Critique

Saer, paranoïa dans la pampa.Dans l'Argentine du XVIIe siècle, le voyage à travers les grandes plaines d'une caravane de malades mentaux. Un western décalé au coeur du Rio de La Plata par un Argentin d'ici. Juan José Saer. Les Nuages. Traduit de l'espagnol par Philippe Bataillon. Le Seuil, 238 pp., 120 F.

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publié le 13 mai 1999 à 0h58

Avec les Nuages, Juan José Saer poursuit le «cycle parisien» qu'il a

inauguré avec l'Enquête (1996). Tomatis, Pigeon, Soldi y tentaient d'élucider le comportement du serial killer qui sévissait dans le onzième arrondissement de Paris. Mais, ici, si le cadre du roman est le même, les Nuages, à la manière des récits enchâssés du roman picaresque, convient le lecteur à un voyage dans le temps à travers la Pampa.

Les Nuages, c'est le western de Juan José Saer, mais un western décalé. Géographiquement d'abord, puisqu'il a lieu dans l'hémisphère sud, au coeur du Rio de La Plata. Historiquement ensuite, car il se déroule au début du XVIIIe siècle. L'histoire est celle d'une caravane qui se rend de Sante Fe à Buenos Aires à travers les terres indiennes. Une caravane singulière, puisqu'elle est composée essentiellement de fous.

Saer renoue avec deux de ses romans: l'Ancêtre et l'Occasion. L'Ancêtre (1987) décrivait le Rio de La Plata avant la fondation de Buenos Aires où les Espagnols durent s'y reprendre à deux fois avant de s'établir, les premiers colons ayant été massacrés puis dévorés par les Indiens. L'Occasion (1989) racontait le moment où, au XIXe siècle, l'Argentine va s'ouvrir à l'immigration et entrer dans les temps modernes. Les Nuages se situent entre ces deux dates, c'est l'Argentine au début du XVIIIe siècle. Une Argentine qui n'est pas même née, qui n'est qu'un vice-royaume menacé tant par l'indolence et le clientélisme d'une oligarchie que par les Indiens pampéens qui